Nintendo s'est lancé dans le business sur mobile en adaptant plusieurs de ses licences phares sur téléphone. Miitomo, Super Mario Run et Animal Crossing : Pocket Camp ouvrirent la marche avec plus ou moins de succès mais c'est avec Fire Emblem Heroes que la firme de Tokyo a déniché le gros lot.
Depuis septembre 2018, Nintendo s'est associé à Cygames, studio à la tête du jeu mobile à succès Granblue Fantasy, pour nous proposer Dragalia Lost, une nouvelle expérience mobile "Free-to-Play" basée sur une licence originale. Disponible aux Etats-Unis, au Japon et dans plusieurs pays anglophones (mais pas encore en France), que vaut la dernière expérience mobile de Nintendo ? Découvrons-le ensemble !
Dragalia Lost se déroule dans le royaume d'Alberia où tous les membres de la famille royale ont le pouvoir de se transformer en dragon après avoir formé un pacte avec ces derniers. On débute le jeu en tant qu'Euden, le plus jeune prince du royaume, dans sa quête pour forger son premier lien avec un dragon. Rien de bien transcendant ici, le scénario se veut vu et revu s'inspirant largement des classiques du genre heroic fantasy. L'histoire qui nous est contée n'est qu'une excuse pour nous plonger dans un univers peuplés d'héros et de dragons de tous genres à collectionner.
C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs free-to-play
Et ça tombe bien, parce que ce concept est l'essence même du titre. A l'instar de Fire Emblem Heroes, Dragalia Lost est ce que l'on appelle un Hero Colletor. C'est-à-dire un jeu dans lequel, contre de l'argent réel ou de la monnaie virtuelle, on peut invoquer des personnages uniques afin de jouer avec eux. L'intérêt de ce genre de jeux réside dans l'acquisition et la collection de ces personnages virtuels.
Dans le cas de titres comme Final Fantasy Record Keepers, il est simple de jouer sur la corde nostalgique des joueurs en les poussant à dépenser leur assurance-vie dans l'achat de Cloud ou d'Aerith, mais il est plus difficile de susciter de l'intérêt dans le cadre d'une nouvelle licence. Heureusement, Nintendo et Cygames ont mis les bouchées doubles et, bien que l'histoire contée se veuille générique à souhait, on ne peut que s'incliner devant la densité d'informations disponibles sur le royaume d'Alberia et ses habitants. Chaque dragon, chaque item, chaque héros du plus puissant au péon de base a droit à son propre récit soulignant son impact dans l'univers de Dragalia Lost. Ce faisant, on en vient très vite à s'intéresser à Euden et ses amis et aux différentes interactions qu'ils ont avec les nombreux héros et dragons qu'ils rencontrent lors de leur périple. On en oublierait presque que c'est un jeu gratuit au vu de l'amplitude du lore proposé.
Un gameplay qui répond au pouce et à l'oeil
Avec l'attention portée à l'univers de Dragalia Lost on pourrait presque croire que l'on a affaire à un Visual Novel, pourtant le titre est bel et bien un Action-RPG se jouant seul ou en coopération jusqu'à quatre joueurs en temps réel. Comme tous les jeux Nintendo sur mobile, Dragalia Lost se joue en mode "portrait". On incarne un groupe de quatre héros dans des mini-donjons se parcourant en une trentaine de secondes pour les plus simples allant jusqu'à trois minutes pour les plus longs. On contrôle directement le leader du groupe tandis que les trois personnages restants sont contrôlés par l'IA. Mais ce qui différencie Dragalia Lost de nombreux jeux du genre : ici toutes les actions s'effectuent uniquement au pouce.
On déplace le personnage en glissant légèrement le pouce dans la direction souhaitée, on attaque en tapotant l'écran et on active les skills ou transformation en dragon en appuyant sur les boutons indiquées. Enfin, un swipe permettra d'effectuer une esquive tandis qu'une longue pression sur l'écran activera le Force Strike de son personnage, une puissante attaque chargée.
Hard to learn, a joy to master
Il faut admettre que les premiers essais peuvent être assez rebutants. Bien que la sensibilité puisse être modifiée dans les options du jeu, le personnage à l'écran réagit au quart de tour à chaque pression sur votre écran, aussi minime qu'elle soit. Il n'est pas rare aussi d'activer involontairement un sort ou d'effectuer une esquive parce que la base de son pouce a effleuré l'écran en pleine partie. Il faut un certain temps d'adaptation pour trouver une bonne position et maîtriser le jeu au pouce, mais une fois ce stade passé, Dragalia Lost dévoile tout son potentiel et nous en met plein la vue... à petite dose.
Jeu mobile oblige, il est souvent nécessaire de refaire plusieurs fois la même mission pour récupérer les ressources indispensables à l'évolution de ses personnages. Au bout de la dixième fois, l'ennuie s'est déjà à s'installer. Cela reste un problème récurrent du genre auquel les joueurs de jeux mobiles et de MMORPG sont malheureusement habitués. Dans le cas de Dragalia Lost, il est tout de même possible d'utiliser des tickets pour passer la mission désirée et récupérer les récompenses ou tout simplement accélérer la vitesse du jeu. A vous de voir si cela vous gêne ou non.
L'Happy Meal du jeu mobile
Il y a plus de 80 héros à collectionner réparties entre 7 classes différentes qui se jouent d'autant de manières différentes. A cela il faut également ajouter les skills uniques de chaque personnage, les dragons et les cartes intitulés wyrmprints qui permettent de booster certaines compétences de ses héros et on tient là un titre mobile d'une profondeur digne d'un RPG console. On pourrait presque se perdre face à la quantité d'informations à prendre en compte, heureusement Dragalia Lost ne tarie pas de conseils concernant la personnalisation de ses personnages ce qui rend l'expérience moins perturbante même si le flux d'information peut être oppressant à certains moments.
En un peu plus de 6 mois, le contenu disponible dans Dragalia Lost a quasiment triplé de volume. Affrontement en arène contre des dragons spéciaux, raids multijoueurs en temps réel, défenses de zones, challenges éphémères et ajouts réguliers de quêtes au scénario principale, Cygames ne cesse de gâter sa base de joueurs avec du contenu inédit.
Ne soyons pas dupes, in fine chaque nouvelle mission consiste simplement à botter les fesses d'un nouveau méchant, mais l'habillage autour de chaque événement est suffisamment travaillé pour créer une réelle sensation de nouveauté. D'ailleurs, la dernière mise à jour du moment est une collaboration avec Fire Emblem Heroes avec en guest star le fabuleux Marth (mais si, le fameux épéiste dans Super Smash Bros).
A quand un cross-over avec Mario et la princesse Peach ?
Monte le son Gaston !
Certes le titre peut être répétitif et effectivement l'univers d'Albaria ne transpire pas d'originalité. En revanche, il est impossible de nier que Dragalia Lost est d'un régal sans nom pour les yeux et les oreilles. A chaque lancement du jeu on est accueilli par les personnages du jeu dans leur version Super Deformed (grosse tête et petit corps) qui remuent leur tête au rythme d'une track de DAOKO, une artiste pop japonaise, dont les titres nous accompagnent tout au long du jeu. De l'écran d'accueil aux boss à affronter en passant par l'écran d'invocation de héros, la pop sucrée de DAOKO apporte une saveur unique à Dragalia Lost et met une claque auditive monumentale à ses concurrents mobiles. Pour preuve, Nintendo et Cygames sont allés jusqu'à produire un Rap sur le thème de Fire Emblem pour la collaboration avec Fire Emblem Heroes.
Enfin, les menus colorés et pétillants parsemés des nombreuses illustrations incrustées ci et là d'Euden et ses amis finiront d'achever les joueurs un tant soit peu sensible au style animé. Difficile de ne pas laisser le weeb en nous pousser un petit «Kawaii» à chaque écran de Dragalia Lost.
Free to Play ou Play to Win ?
Impossible de terminer cette critique sans parler système de monétisation. Contrairement à d'autres jeux mobiles Free-to-Play, Dragalia Lost propose se joue en ligne en temps réel mais uniquement en mode coopératif. Il n'y a pas de guildes, ni de classement compétitif de joueur. Ce point est extrêmement important car il influe directement sur la valeur des micro-transaction in-game. Dans un jeu free-to-play compétitif où les héros s'obtiennent via le Gacha (l'invocation aléatoire de personnage contre de l'argent), très vite un fossé s'installe entre les joueurs «gratuits» et ceux ayant investis de l'argent pour obtenir les meilleurs unités, créant un déséquilibre au sein du jeu.
Dans le cas de Dragalia Lost, ce déséquilibre est beaucoup moins visible car les héros invoqués ne serviront pas à affronter d'autres joueurs, mais au contraire à les aider à terminer leurs quêtes lors des sessions multijoueurs. Ainsi, dépenser de l'argent dans Dragalia Lost est moins une question de survie et plus une question d'envie. Veux-je tenter de récupérer tel ou tel personnage ou vais-je attendre un peu plus ?
Les prix sont tout de même particulièrement élevés. L'invocation de 10 personnages coûte la bagatelle de 3,000 yens soit 24 euros, sans la garantie d'obtenir le personnage convoité ! Sachant que le système de Gacha comprend aussi bien les héros et les dragons dans les bannières d'invocation, on comprend très vite qu'il ne sera pas simple d'obtenir les personnages que l'on convoite.
Il faut tout de même admettre que Nintendo et Cygames sont très généreux et offrent régulièrement aux joueurs des coupons d'invocation ou des wyrmites, la monnaie virtuelle du jeu, ce qui compense pour ces prix abusifs. Par exemple, j'ai accumulé l'équivalent de 600 euros d'invocations en monnaie virtuelle sans mettre une seule fois la main à la poche. On a connu pire situation dans le monde du mobile.